mercredi 24 août 2011

Prévisionnement "Regards Libres"


Le prévisionnement pour les cycles 3 se déroulera :

Mercredi 14 septembre 2011 à 9h15
Maison de la Culture de Bourges

9h15 Projection du programme « REGARDS LIBRES »


















5 courts métrages à l'épreuve du Réel

Regards libres
Apologie de l’attention

Regards libres emprunte aux voies du suspense. Mais ici, aucun meurtre n’a été commis. L’événement longtemps dérobé à notre regard et dont les témoins convoqués pour en rendre compte nous entretiennent tour à tour est un tableau. Ce principe formel consistant à filmer des enfants d’une dizaine d’années qui réagissent face à une toile signée Jérémy Chabaud tout en ne nous permettant pas de voir celle-ci, manifeste une certaine dimension démonstrative. Parallèlement, le procédé nous conduit à imaginer ce que les mots des enfants suggèrent jusqu’à ce que les linéaments d’images nées ainsi en nous se confrontent in fine avec l’œuvre enfin montrée longuement, frontalement.
De quelle liberté se revendique le titre ? Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Romain Delange explique les raisons de la tranche d’âge choisie. Ces enfants ne sont pas encore trop bridés par un savoir reconnu, une culture instituée dont la présence, quand bien même ils ne la maîtriseraient pas, pèserait sur leur parole. Ce qui émane de leurs propos recoupe une palette de réactions type que la mise en scène et le montage orchestrent en ménageant différents tempos, des silences, des hésitations, des rires impromptus.
Le prégénérique nous familiarise avec un premier visage en gros plan et avec le principe du regard fixé sur un objet auquel l’enfant réagit. Après le générique, l’enfant qui pénètre précautionneusement dans la salle affine le dévoilement du dispositif. Ensuite, le montage va alterner des raccords de mouvements – par l’entremise du panoramique circulaire qui passe du visage net à l’arrière du tableau flou et réciproquement – à des coupes dans le plan qui privilégient la logique des paroles prononcées. De son côté, le recours à des tandems apporte un autre type de dynamisme au film. Au lieu d’enchaîner les témoignages les uns à la suite des autres, le film les entremêle selon une progression pas complètement linéaire, qui procède par associations – à la barque évoquée par l’un fait suite le bateau qui avance – ou échos – la dimension descriptive présente au début demeure vivante jusqu’à la fin.


Gbanga-Tita
La part du hasard

À quoi correspond ce gros plan qui isole cet Africain ? Pourquoi ne pas avoir montré les enfants à qui il s’adresse et qu’on entend pourtant distinctement ? Quel sens a ce récit qu’il leur conte ? La tenue dont fait preuve Gbanga-Tita, la rigueur du parti pris, font que le spectateur qui le découvre peut difficilement se départir de l’envie de reconstituer une intentionnalité. Pourtant, les cartons qui encadrent les deux plans du film nous donnent le contexte de leur réalisation. Même si la mise en scène en a été programmée – et comment pourrait-il en être autrement avec la lourdeur du matériel qu’il a fallu emporter au fin fond de la forêt équatoriale – Gbanga-Tita est le fruit du hasard, un de ces moments de grâce qui adviennent parfois pendant un tournage. Dans un film, il y a ce qu’on prévoit, ce qu’on sème et ce qu’on cueille par inadvertance. Ici, comme l’explique Thierry Knauff dans l’entretien et comme le laisse entendre le troisième carton, le destin a fait coïncider la durée technologique de la pellicule qui restait dans la caméra et le temps mis par Lengé à boucler son histoire. Que ce dernier soit mort quelques semaines après – comme nous l’apprend le carton final – apporte une émotion supplémentaire au sentiment d’assister à un instant unique arraché à l’oubli, de découvrir un document plus qu’un documentaire. Nous sommes ainsi condamnés à l’attitude qui, toujours, devrait être prioritairement la nôtre face à une œuvre : tenter de mettre en mots l’émotion que le film provoque en nous.
D’une certaine façon, il s’agit de la captation d’un spectacle dans lequel Lengé est à la fois conteur, chanteur et chef de chœur, dans l’exécution duquel toute frontière entre spectateur et participant est abolie. Il serait plus pertinent d’admettre que nous n’avons pas de substantif adéquat pour nommer ce qui se joue là, en pleine nature : la transmission d’un conte mille et une fois répété, d’un récit initiatique qui renvoie à une conception du monde et passe par une sorte de chant.


Le Chœur
Mobiliser le regard

Regarder n’est pas une évidence, nous en faisons l’expérience tous les jours. La plupart des choses ou des gens que nous voyons, nous ne les regardons pas. Même si le cinéma contribue souvent à détourner le regard de ce qui nous entoure, il peut aussi le mobiliser, et nous apprendre, lentement, une autre façon de faire sens. C’est ce que propose, de films en films, le cinéma d’Abbas Kiarostami, une ouverture sur ce qui vient à se donner pour peu que l’on regarde. Ce cinéma est là pour nous ouvrir les yeux.
Quand il réalise Le Chœur en 1982, Kiarostami est déjà l’auteur de nombreux films dont les protagonistes sont des enfants ; le monde de l’enfance est d’ailleurs le sujet presque exclusif de son cinéma depuis 1969, date à laquelle il fonde le département cinéma au sein de l’Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes (le « Kanun » cf Autour du film). Si le film s’ouvre comme un cahier d’écolier, c’est qu’il se situe d’entrée sur un plan pédagogique, le cinéaste se soucie de nous apprendre quelque chose. Mais apprendre ici n’a rien à voir avec les devoirs d’école et les leçons à retenir. Il s’agit d’abord d’une expérience, celle d’un mouvement qui nous force à sortir (étymologiquement « éducation » signifie « tirer hors de »). Mais sortir de quoi ?
L’exposition pourrait être celle d’un film d’action. Les premiers plans nous montrent une cavalcade empressée qui ne laisse rien deviner de la suite. Il y a un élan irrépressible dans cette intrusion, une brutalité qu’accentuent la frontalité des plans et la verticalité des murs. D’abord statique, la caméra suit le mouvement et se laisse entraîner dans la course en travelling arrière. Un plan serré des jambes puis de la tête du cheval prisonnier de ses harnais redouble le sentiment de violence de cette irruption d’un réel que la caméra ne peut contenir. Mais soudain la charrette ralentit ; un vieil homme en interdit le passage, un homme fragile et replié sur lui-même, un homme qui tourne le dos.


l'Illusionniste
Illusions et réalités - Un portrait

Qu’est-ce que le cinéaste nous donne à voir d’Antoinette ? Comment nous la dépeint-il et grâce à quelles techniques cinématographiques ?
Nous ne connaissons d’abord d’elle que ses mains et sa voix. Le cinéaste commence par filmer avec attention ses gestes ; la caméra, portée à l’épaule, est très proche d’Antoinette et le cadreur doit suivre la vivacité de chacun de ses mouvements. Le spectateur du film est ainsi un spectateur privilégié : grâce au gros plan, il lui est permis d’être plus près de la scène que dans n’importe quelle salle de spectacle. Il peut alors observer en détail les gestes de l’illusionniste et peut tout à fait penser que, si bien placé, il parviendra peut-être à deviner le « truc ». On remarque qu’Antoinette accompagne chacun de ses gestes d’un commentaire. Dans un tour de magie, l’une des astuces consiste en effet à attirer l’attention du spectateur ailleurs, par la parole mais aussi par des gestes inutiles qui servent à en dissimuler d’autres. Antoinette, l’illusionniste, est ainsi présentée d’entrée de jeu comme un être de gestes et de paroles.
Mais c’est aussi un visage magnifique, radieux, dont le sourire malicieux vient illuminer le film, avec un effet à retardement. Si le cinéaste prend du temps avant de faire apparaître le visage d’Antoinette, c’est pour créer une sorte de surprise, mais aussi peut-être pour signifier, par les moyens du cinéma, combien il faut de temps pour approcher quelqu’un et pour parvenir à bien le filmer. Cavalier n’est pas de ceux qui jettent leur caméra au visage des passants. S’il parvient à filmer au plus près Antoinette, c’est qu’il a su instaurer entre elle et lui une relation de confiance, presque d’intimité.




Prévisionnement animé par Bartlomiej Woznica.















Bartlomiej Woznica est né en 1980 à Varsovie en Pologne. Après des études de cinéma à Paris à l’école Louis Lumière, il travaille deux ans auprès de la mission culturelle française de Beyrouth. Formateur à l’analyse de film entre Beyrouth, Paris et Mexico, il a réalisé deux court-métrage et est co-scénariste et co-réalisateur du documentaire Layn. En parallèle d’un travail de production, il a animé de nombreux ateliers de formation cinéma en France et à l’étranger. Il est responsable du service pédagogique de l’Agence du court métrage depuis 2007.


Cette journée est ouverte aux enseignants inscrits au dispositif « Ecole et Cinéma ».
Les prévisionnements sont des séances gratuites destinées aux enseignants inscrits dans le dispositif, afin de préparer en amont dans les meilleures conditions les films du programme.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire